
La fusion des régions a créé des géants touristiques sur le papier, mais une véritable cacophonie identitaire dans la réalité.
- Les marques-territoires historiquement fortes (Alsace, Bordeaux, Pays basque) cannibalisent la nouvelle marque régionale « mère », la rendant souvent inaudible.
- À l’inverse, les micro-territoires, plus agiles, tirent leur épingle du jeu grâce à une communication hyper-ciblée et une identité claire.
Recommandation : Adopter une stratégie de « marque fédérale » qui orchestre les identités locales au lieu de tenter de les remplacer par une bannière administrative artificielle.
Depuis la réorganisation territoriale de 2016, les professionnels du tourisme et les élus locaux sont confrontés à un paradoxe de taille. Sur la carte, la France a donné naissance à des super-régions, des puissances touristiques potentielles aux territoires immenses. Pourtant, sur le terrain de la communication et du « place branding », le résultat ressemble plus à une cacophonie qu’à une symphonie. Comment construire une image cohérente pour le « Grand Est » quand l’Alsace, la Champagne et la Lorraine cultivent des imaginaires si distincts ? Comment vendre la « Nouvelle-Aquitaine » à un touriste qui rêve du Pays basque, du Périgord ou de l’île de Ré ?
La plupart des analyses se contentent de souligner la complexité de la tâche, en préconisant la création d’une « marque ombrelle » forte. Mais cette approche néglige une réalité fondamentale : les identités ne se décrètent pas, elles se vivent. Le véritable enjeu n’est pas de créer une nouvelle marque à partir de rien, mais de devenir un chef d’orchestre capable de faire jouer ensemble des solistes brillants, sans que l’un ne couvre la voix de l’autre. C’est un défi de « co-opétition territoriale » où la coopération à l’international ne doit pas effacer la saine compétition des identités en local.
Cet article propose de dépasser le constat d’échec pour analyser les mécanismes profonds de cette bataille identitaire. Nous décortiquerons ce qui fonctionne et ce qui échoue, non pas en cherchant une solution miracle, mais en définissant une approche stratégique qui respecte l’âme des territoires. Il s’agit de comprendre comment transformer cette mosaïque identitaire, perçue comme un problème, en un avantage concurrentiel décisif.
Pour ceux qui préfèrent un format condensé, la vidéo suivante aborde certains des défis économiques auxquels ces grandes régions sont confrontées, un contexte essentiel pour comprendre les enjeux du marketing touristique.
Cet article vous guidera à travers les rouages de ce défi complexe. Nous examinerons les stratégies adoptées, l’importance des micro-territoires et les solutions concrètes pour les professionnels qui naviguent dans ces nouvelles réalités géographiques et symboliques.
Sommaire : Le marketing territorial des nouvelles régions françaises décrypté
- Quand 1+1 ne fait pas 2 : la bataille des identités au cœur des nouvelles régions touristiques
- Grand Est vs Nouvelle-Aquitaine : autopsie de deux stratégies de communication touristique post-fusion
- La taille ne fait rien à l’affaire : pourquoi les micro-territoires restent les champions du tourisme
- Comment jouer collectif sans perdre son âme : le guide pour les professionnels du tourisme des nouvelles régions
- Le risque de l’oubli : comment exister quand on n’est ni le Mont-Saint-Michel ni la Tour Eiffel de sa région ?
- Un ruisseau les sépare, un monde les oppose : comment l’identité d’un village change en passant d’un « pays » à l’autre
- Bordeaux l’aristocrate, Nantes la rebelle : comment l’histoire portuaire a créé deux villes, deux caractères
- Oubliez les départements : la vraie carte de France est celle des « pays » et des terroirs cachés
Quand 1+1 ne fait pas 2 : la bataille des identités au cœur des nouvelles régions touristiques
L’équation semble simple : fusionner des régions, c’est additionner leurs atouts touristiques pour créer une destination plus forte. En réalité, l’opération s’apparente plus à une greffe complexe qu’à une simple addition. Chaque territoire fusionné arrive avec son histoire, sa culture, et surtout, sa propre marque touristique, souvent bâtie sur des décennies d’efforts. Le principal défi des nouvelles entités n’est pas de lister leurs attraits, mais de gérer la concurrence interne entre ces identités préexistantes. L’Alsace, avec son imaginaire rhénan puissant, le Bordelais, marque mondiale à lui seul, ou la Bretagne historique, dont l’influence dépasse largement ses frontières administratives, n’ont que peu à gagner à se fondre dans une bannière administrative plus large comme « Grand Est », « Nouvelle-Aquitaine » ou « Pays de la Loire ».
Cette dilution est le risque majeur. Pour le touriste international, la porte d’entrée reste la marque la plus connue, pas le nom de la nouvelle région. Une étude de cas éloquente est celle de l’Alsace. Plutôt que de se dissoudre dans le Grand Est, la stratégie marketing 2023-2027 d’Alsace Destination Tourisme se concentre sur le renforcement de sa propre marque pour allonger les séjours et mieux répartir les flux sur son territoire. Le succès est tangible, comme le montre une récente campagne de promotion qui a généré plus de 3,2 millions d’affichages supplémentaires. Cette stratégie prouve qu’une identité forte et cohérente reste le moteur principal de l’attractivité.
L’enjeu est donc de transformer la concurrence en synergie, un défi de gouvernance avant d’être un défi marketing. Un expert du secteur le résume parfaitement :
Ce qui fait la puissance d’une destination, c’est son identité. Il faut arrêter la concurrence interne au sein des grandes régions pour créer des synergies.
– Expert en marketing territorial cité par Tourmag, Tourmag, 2025
Le succès ne viendra pas d’une marque unique imposée, mais d’une orchestration intelligente de cette identité mosaïque, où chaque pièce du puzzle garde sa couleur tout en contribuant à une image d’ensemble plus riche.
Grand Est vs Nouvelle-Aquitaine : autopsie de deux stratégies de communication touristique post-fusion
Face au même défi de l’identité mosaïque, le Grand Est et la Nouvelle-Aquitaine ont adopté des approches stratégiques radicalement différentes. Leur analyse comparée révèle les facteurs clés de succès et les écueils du marketing touristique post-fusion. Le Grand Est, véritable patchwork d’identités fortes (Alsace, Champagne, Ardenne, Lorraine), a peiné à imposer une narration commune. La communication semble souvent juxtaposée, chaque territoire continuant de promouvoir ses propres atouts sous une bannière régionale qui peine à incarner une promesse unique. Le résultat, selon le bilan touristique 2024 du Grand Est, est une stabilité des nuitées, ce qui, dans un marché compétitif, peut s’interpréter comme une performance en demi-teinte.
À l’opposé, la Nouvelle-Aquitaine, bien que confrontée à une diversité tout aussi grande (Bordeaux, Biarritz, la Dordogne, le Limousin), a opté pour une stratégie de « marque fédérale ». L’idée n’est pas de remplacer les marques fortes existantes, mais de les chapeauter sous un esprit commun, axé sur la diversité des expériences et la qualité de vie. La région se positionne comme un immense terrain de jeu où chaque « pépite » (un terme qu’elle revendique) contribue à la richesse de l’ensemble. Cette montée en puissance progressive, qui valorise les sous-territoires tout en construisant un sentiment d’appartenance, semble plus organique et respectueuse des identités locales.
Votre feuille de route pour une gouvernance collaborative
- Initier une dynamique collective : Organiser des assises du tourisme régional pour réunir tous les acteurs publics et privés et définir une vision partagée.
- Mettre en réseau les forces vives : Créer un « club des marketeurs » de la région pour partager les bonnes pratiques, les données et coordonner les campagnes.
- Soutenir l’innovation : Lancer des appels à projets pour les démarches d’attractivité thématiques (oenotourisme, slow-tourisme, etc.) qui transcendent les anciennes frontières.
- Mutualiser les outils : Développer une plateforme partagée de promotion (photothèque, données de fréquentation, éléments de langage) accessible à tous les offices de tourisme.
La différence fondamentale réside dans la gouvernance : là où le Grand Est semble chercher un consensus parfois paralysant, la Nouvelle-Aquitaine a réussi à insuffler un esprit fédéral, misant sur la responsabilisation et la mise en réseau de ses acteurs. Cette approche évite la confrontation directe des identités et favorise une coopération plus souple.
La taille ne fait rien à l’affaire : pourquoi les micro-territoires restent les champions du tourisme
Pendant que les méga-régions cherchent leur voix, une autre réalité s’impose : la vitalité insolente des micro-territoires. Qu’il s’agisse d’un « Pays » comme le Luberon, d’une baie comme celle de Somme, ou d’une vallée comme celle de la Dordogne, ces entités à taille humaine démontrent une agilité et une efficacité redoutables. Leur force réside dans une cohérence identitaire presque parfaite. Le message est clair, l’offre est spécialisée et l’histoire racontée est authentique, car elle est portée par une communauté locale engagée. Ils n’ont pas besoin de créer une marque ; ils sont une marque.
Cette agilité leur confère un avantage concurrentiel majeur. Alors qu’une grande région doit valider une campagne à plusieurs échelons, un office de tourisme d’un micro-territoire peut lancer une opération ciblée en quelques semaines, répondant ainsi quasi instantanément aux nouvelles tendances du marché. Comme le soulignent des directeurs d’offices de tourisme, cette capacité à prendre des décisions rapides est cruciale. Ils misent sur des messages hyper-spécialisés qui touchent directement leur cœur de cible, évitant la déperdition des campagnes de masse des grandes structures. C’est l’illustration parfaite du principe « small is beautiful » appliqué au marketing territorial.
Il ne faut pas s’y tromper : l’impact économique de cette myriade d’acteurs est colossal. En France, le tourisme local représente 7,5% du PIB et plus de 2 millions d’emplois, majoritairement ancrés dans ces territoires. Leur succès prouve que l’attractivité ne dépend pas de la taille administrative ou du budget de communication, mais de la clarté du positionnement et de la force du lien entre un lieu, ses habitants et ses visiteurs. Les grandes régions auraient tout intérêt à s’inspirer de leur modèle, en agissant moins comme des administrateurs centraux et plus comme des incubateurs de projets locaux, fournissant outils et soutien sans jamais étouffer l’initiative.
Comment jouer collectif sans perdre son âme : le guide pour les professionnels du tourisme des nouvelles régions
Pour les acteurs locaux — hôteliers, gestionnaires de sites, offices de tourisme — naviguer dans l’écosystème des nouvelles régions peut s’avérer complexe. Pris entre leur identité de terroir et les directives de la nouvelle entité régionale, beaucoup se demandent comment tirer parti de cette nouvelle échelle sans se renier. La clé réside dans un concept stratégique : la « co-opétition ». Il s’agit d’apprendre à collaborer sur certains fronts tout en maintenant une saine compétition sur d’autres.
Concrètement, la collaboration est pertinente sur des marchés lointains où la marque « France » ou celle de la grande région sert de porte d’entrée. Un touriste américain planifie rarement un voyage en « Corrèze », mais plutôt en « Sud-Ouest de la France ». Ici, mutualiser les efforts de promotion sous la bannière régionale est une stratégie gagnante. Cela peut prendre la forme de routes touristiques thématiques inter-départementales (la route des vins de la Nouvelle-Aquitaine, les châteaux du Grand Est) ou de plateformes de données partagées, comme l’initiative DATAtourisme qui a permis de mutualiser les informations pour affiner les stratégies marketing dans l’oenotourisme. Ces outils permettent d’avoir une vision plus globale des flux et des comportements.
En revanche, sur le marché domestique ou de proximité, la compétition identitaire reprend ses droits. C’est ici que l’âme du territoire doit s’exprimer pleinement. La marque régionale peut alors agir comme un label de qualité ou un « endorser » qui cautionne l’offre locale, sans la remplacer. L’enjeu est de construire une relation de confiance entre les échelons. Comme le rappellent conjointement Alliance France Tourisme et Régions de France, le tourisme ne peut réussir que dans une logique de co-construction entre acteurs publics et privés. Cette articulation des compétences est essentielle pour que la stratégie régionale ne soit pas perçue comme une menace, mais comme une opportunité d’amplifier son propre message.
Le risque de l’oubli : comment exister quand on n’est ni le Mont-Saint-Michel ni la Tour Eiffel de sa région ?
La création de grandes régions a un effet pervers : elle accentue la visibilité des « locomotives » touristiques (les grandes métropoles, les sites classés au patrimoine mondial) au détriment des territoires moins connus. Ces derniers, noyés dans une masse d’informations, courent le risque de devenir invisibles. Pour ces « territoires de l’ombre », tenter de rivaliser sur le terrain de la communication de masse est une bataille perdue d’avance. Leur salut réside dans une stratégie de niche et d’hyper-différenciation.
Plutôt que de viser tout le monde, il s’agit de s’adresser à « quelqu’un ». Le levier le plus puissant pour cela est le tourisme expérientiel. Des tendances comme l’agritourisme ou le tourisme de savoir-faire sont des opportunités en or. Ces territoires peuvent capitaliser sur leur authenticité, en proposant des rencontres avec des artisans, des séjours à la ferme ou des immersions dans des traditions locales. Ces expériences uniques deviennent leur principal argument de vente, attirant une clientèle passionnée et prête à sortir des sentiers battus. Le Fonds Tourisme Durable a d’ailleurs mis en lumière une croissance de 40% du tourisme de niche en zones rurales, preuve d’une demande forte pour ce type d’offres.
En termes de communication, cela implique de délaisser les médias généralistes pour se concentrer sur des canaux plus ciblés. Comme le souligne un expert d’Atout France, les territoires peu connus ont tout intérêt à s’associer à des micro-influenceurs spécialisés (randonnée, gastronomie, artisanat…). Ces derniers, par leur crédibilité et la confiance que leur accorde leur communauté, sont des relais bien plus efficaces qu’une publicité coûteuse. En se positionnant sur une niche claire et en s’appuyant sur des ambassadeurs authentiques, un territoire peut non seulement exister, mais devenir une destination de référence pour une clientèle fidèle et engagée. L’objectif n’est plus d’être connu, mais d’être reconnu par les bonnes personnes.
Un ruisseau les sépare, un monde les oppose : comment l’identité d’un village change en passant d’un « pays » à l’autre
Les frontières administratives dessinées en 2016 ont créé des situations parfois absurdes sur le terrain. Des villages voisins, historiquement et culturellement liés, se retrouvent désormais dans deux régions différentes. Un simple ruisseau ou une route départementale peut aujourd’hui marquer une « fracture symbolique », séparant deux mondes en termes de stratégie touristique, de subventions et d’appartenance institutionnelle. Pour les professionnels du tourisme situés sur ces nouvelles lignes de démarcation, la situation est un véritable casse-tête.
Un hébergeur situé à la frontière entre deux régions témoigne des difficultés quotidiennes : il doit jongler avec deux comités régionaux du tourisme, deux systèmes d’aides différents et deux stratégies de communication parfois contradictoires. Il doit choisir à quelle « chapelle » se rattacher, au risque de perdre les bénéfices de l’autre. Cette division artificielle nuit à la lisibilité de l’offre pour le touriste, qui, lui, ne connaît pas les frontières administratives et raisonne en termes de bassin de visite logique, comme une vallée ou un massif montagneux. Des études ont identifié des zones de fractures culturelles particulièrement sensibles, comme la vallée de la Loire, écartelée entre plusieurs régions, ou les marches de Bretagne.
Ces découpages ont des conséquences très concrètes. Des analyses régionales, notamment en Alsace, montrent des variations significatives dans le soutien apporté aux événements locaux ou aux projets de développement touristique d’un côté et de l’autre de la « frontière ». Un festival dans un village peut être largement subventionné par sa région, tandis que celui du village voisin, désormais rattaché à une autre entité, ne bénéficie pas du même soutien. Cette situation crée des inégalités de développement et fragilise le tissu économique et social de territoires qui partageaient autrefois un destin commun. Cela démontre que les fusions, pensées depuis des bureaux parisiens, ont parfois ignoré les réalités vécues et les identités profondément ancrées localement.
Bordeaux l’aristocrate, Nantes la rebelle : comment l’histoire portuaire a créé deux villes, deux caractères
Même au sein d’une même façade atlantique, les identités peuvent être radicalement opposées, forgées par des siècles d’histoire. Bordeaux et Nantes, deux grands ports historiques, sont l’exemple parfait de la manière dont le passé façonne le « caractère » d’une destination et influence son marketing touristique. Le storytelling historique est devenu un pilier de leur attractivité, mais il raconte deux histoires très différentes, créant deux marques de ville distinctes et puissantes.
Bordeaux, c’est l’héritage du commerce du vin, un port historiquement tourné vers le négoce avec les îles et l’Europe du Nord. Son architecture classique, ses façades XVIIIe classées à l’UNESCO, tout évoque un passé prospère, presque aristocratique. Le marketing de la ville s’appuie sur cette image d’élégance et d’art de vivre. Le tourisme fluvial sur la Garonne, avec ses escales de croisières et ses événements culturels sur les quais, est une continuation moderne de cet héritage. Bordeaux vend une promesse d’harmonie, de patrimoine et d’épicurisme.
Nantes, à l’inverse, a capitalisé sur son passé industriel et ouvrier pour forger une identité créative et rebelle. Son histoire est marquée par les chantiers navals, un monde de métal, de labeur et d’innovation. Plutôt que de renier ce passé, la ville l’a transformé en un atout culturel majeur. Le projet des Machines de l’île, avec son bestiaire mécanique monumental, est le symbole le plus éclatant de cette réappropriation. Nantes ne vend pas l’élégance, mais l’audace, l’imagination et la transformation. C’est une destination qui surprend, qui déconcerte, et c’est précisément ce qui fait sa force.
Ces deux exemples démontrent que l’identité d’une destination ne se résume pas à une liste de monuments. C’est un récit cohérent qui puise ses racines dans l’histoire et se projette dans le présent. Pour les marketeurs territoriaux, comprendre cet ADN est la première étape pour construire une communication authentique et différenciante.
À retenir
- La fusion administrative n’efface pas les identités culturelles fortes, qui restent le principal moteur d’attractivité touristique.
- La réussite du marketing des nouvelles régions dépend d’une stratégie de « marque fédérale » qui orchestre les territoires plutôt que d’une marque « ombrelle » qui les uniformise.
- Les micro-territoires, agiles et hyper-spécialisés, représentent un modèle de succès dont les grandes régions doivent s’inspirer en favorisant l’initiative locale.
Oubliez les départements : la vraie carte de France est celle des « pays » et des terroirs cachés
La conclusion la plus radicale de cette analyse est peut-être celle-ci : les cartes administratives, qu’il s’agisse des départements ou même des nouvelles régions, sont de plus en plus obsolètes pour penser le tourisme. Le visiteur ne voyage pas dans le « Loiret » ou en « Bourgogne-Franche-Comté » ; il explore le Val de Loire, le Morvan, le Sancerrois. La vraie carte de France, celle qui est vécue par les touristes et les habitants, est celle des « pays », des terroirs, et de ce que les experts nomment les bassins d’itinérance. Ce sont des zones géographiques cohérentes définies par les flux et les pratiques réels des visiteurs, et non par des décrets.
L’analyse des données de géolocalisation anonymisées le confirme. L’Observatoire Touristique du Grand Est a par exemple montré que plus de 75% des déplacements touristiques analysés correspondent à ces bassins de vie réels, qui ignorent superbement les frontières départementales. Promouvoir une offre à l’échelle d’un département qui est traversé par deux ou trois bassins d’itinérance différents est donc un non-sens stratégique. Le marketing touristique du futur doit s’aligner sur cette géographie du vécu.
Cela implique un changement de paradigme pour les professionnels. Il s’agit de penser en termes de parcours clients, de thématiques et de collectifs de projet plutôt qu’en termes de territoires institutionnels. La promotion doit se faire par bassins de pertinence, en impliquant les habitants comme les premiers ambassadeurs. Comme le souligne un expert, le marketing doit s’aligner avec le sentiment d’appartenance des locaux, qui est rarement attaché à la nouvelle grande région, mais profondément ancré dans leur « pays ». Valoriser ces terroirs cachés, leur singularité et leur authenticité est la stratégie la plus durable pour assurer une répartition équilibrée des flux et une attractivité pérenne, loin des logiques de concentration sur les seules « locomotives » régionales.
Pour dépasser le simple constat, l’étape suivante consiste à auditer la cohérence de votre propre stratégie territoriale face à ces dynamiques identitaires et à définir un plan d’action qui orchestre, plutôt qu’il n’impose.